"Comment le marketing qui depuis les années soixante (...) a été orienté vers le toujours plus, va pouvoir passer à une pratique orientée vers une consommation plus économe en matière première et en énergie. C’est une vraie révolution mentale. Je constate aussi beaucoup de tensions entre les R&D et les directions marketing".
Comment concevoir, lancer, promouvoir et développer des offres plus économes, plus frugales, plus responsables, plus durables ? Cela ressemble à la quadrature du cercle, si l’on postule que le marketing est motivé par la profitabilité, la surconsommation, le cynisme et le gaspillage !
Mais si l’on admet que le marketing, c’est plus rationnellement la mise en adéquation de l’offre et de la demande, alors les contraintes environnementales et macroéconomiques qui s’exercent progressivement sur la demande (pouvoir d’achat, sensibilité écologique, …) vont impacter les fournisseurs, tandis que celles qui s’exercent sur l’offre (raréfaction des énergies fossiles, technologies de l’information, …) vont influencer les modes de consommation.
En somme, si l'on ne peut pas faire confiance au marketing pour introduire de la morale – le business est amoral, comme chacun sait ! – on peut lui faire confiance pour deviner, comprendre, anticiper et s’adapter à des tendances lourdes et inéluctables, ne fût-ce que par opportunisme… Ainsi s’accomplissent les mutations !
Le marketing ne provoque quasiment jamais de ruptures épistémologiques (on reproche à ceux qui le font d’avoir eu raison trop tôt…), mais il les accompagne, voire les anticipe, et généralement les accélère. Ce n’est déjà pas si mal.
Une illustration : les constructeurs automobiles. Ça fait 35 ans qu’on annonce la fin du pétrole (à tort à l’époque), ça fait 25 ans qu’on presse les industriels d’élaborer des voitures propres (trop prématurément), ça fait 15 ans qu’ils bredouillaient des véhicules de plus ou moins nouvelle génération (un grand feu d’artifice de voitures électriques, GPL, à hydrogène, à vapeur !), mais ça fait seulement 5 ans qu’une prise de conscience massive s’opère dans les mentalités et auprès des pouvoirs publics. Le déclic. Depuis, Toyota a ouvert le bal avec un véhicule hybride viable fabriqué à grande échelle. En France, Renault et Peugeot annoncent des modèles industriels pour 2011. Dans 5 ans, la majorité des véhicules neufs seront hybrides voire électriques.
À ce titre, la crise financière de ces derniers mois est aussi un déclic, pour ne pas dire un clash.
Elle est à elle seule un symptôme, un cause et un effet des désordres de notre économie, qui est elle-même un reflet fidèle de notre modèle de société. Car, au-delà des seuls indicateurs de PIB, d’inflation et de chômage, il est question ici de dématérialisation de notre environnement, de virtualisation des relations, d’iniquités socioéconomiques institutionnalisées, d’hyperindividualisme revendiqué, de découplage du travail et de la rémunération, etc. Un cas d’étude sociologique en soi !
Quelles mutations cette dernière crise en date inaugure-t-elle ? Résignation ou réforme ? C’est une question qui taraude le citoyen et le professionnel du marketing que je suis.
Ce qui me semble certain, c'est que le débat ne porte pas sur le passage à une économie de décroissance, de régression, de partage de la pénurie, voire de paupérisation. Cette voie serait suicidaire, car elle marquerait pour la première fois de l'Histoire le déclin volontaire d'une civilisation et une forme de déchéance assumée du genre humain...
Le défi est au contraire de trouver des relais de développement, de nouveaux gisements de croissance, des idées pour un avenir universellement viable. L'économie de marché ne se réduit pas à la surconsommation et au libéralisme échevelé. Elle est l'infrastructure antédiluvienne de toutes les sociétés évoluées fondées sur l'échange et la recherche du progrès.
Ainsi, dans une optique de consommation responsable, penser :
1) les produits, non plus comme des objets usables et jetables, mais comme des organes intégrés à notre environnement, doués d'une existence propre (traçabilité, maintenance, renouvellement, recyclage, ...) ;
2) les services, non plus comme des options onéreuses, mais comme un processus inhérent aux produits, inscrit dans la permanence et la récurrence ;
tels me semblent être les axes structurants du marketing du XXI° siècle.